Entrevue de Benjamin Boutin pour la French-African Foundation, septembre 2021
Qui êtes-vous ?
Je suis Français, né en Provence, mais j'ai également beaucoup voyagé et suis ouvert sur le monde. Mon continent est l'Europe ; toutefois, j'ai développé des liens forts avec l'Amérique du Nord, les Caraïbes et l'Afrique. Pour moi, l'âge n'a que peu d'importance, ce qui compte c'est la communion des esprits et des cœurs. Je suis francophone, mais j'ai du respect pour toutes les langues et connais les vertus du plurilinguisme ! Beaucoup de personnes avec qui je coopère ont une double voire une triple culture. C'est une immense richesse ! L'identité est rarement monolithique. En réalité, que ce qui me définit davantage, ce sont les rencontres que j'ai eu la chance de faire. En premier lieu avec mes parents, mes amis et les personnes que j'admire, de toutes les nationalités. Les relations humaines sont pour moi le sel de la vie.
Ce sont aussi nos valeurs qui nous définissent : la bienveillance, la tolérance, l'amitié, la liberté, le respect, la justice, la paix, sont pour moi des valeurs cardinales. Et puis la personne que je suis aujourd'hui n'est peut-être pas celle que j'étais hier, ni celle que je serai demain. Rien n'est figé, même si nous avons tous une colonne vertébrale ! Ce qui ne changera probablement pas chez moi - et qui constitue sans doute une permanente - c'est mon goût pour la création et la coopération, mon caractère entreprenant, ma passion pour les rencontres interculturelles et les voyages, ma curiosité, l'importance que j'attache à l'amitié, à l'éthique, à la chose publique et le désir que j'ai au fond de moi d'apporter une contribution positive à notre société.
Que faites-vous ?
Je milite pour la diversité linguistique et culturelle, afin que les cultures dialoguent et se fécondent. La langue française crée des passerelles formidables ! A cet égard, je préside une ONG, Francophonie sans frontières, que j'ai fondée. Celle-ci me permet de coopérer avec un grand nombre de personnes engagées, dont beaucoup d'Africains. Je m'investis également dans les relations franco-québécoises et canadiennes afin de resserrer nos liens transatlantiques. Pour moi, il est important que les peuples coopèrent. La coopération européenne, internationale et économique - à travers le modèle coopératif que je promeus depuis mes jeunes années - est au cœur de mon engagement. J'attache une grande importance également à la démocratie, au système parlementaire, mais aussi à la liberté de la presse et à nos libertés en général.
Les défis qui entourent la préservation de nos libertés dans un contexte de montée en puissance technologique m'intéressent au plus haut point. Je considère que la finalité de l'action publique doit être de trouver le bon équilibre entre liberté et sûreté, épanouissement individuel et collectif, diversité des points de vue et cohésion autour de grands sujets et de certaines valeurs, autonomie et interdépendance, prospérité et équité sociale, le tout avec une attention particulière portée à la biodiversité et à l'environnement. L'énergie de tous est requise pour relever de si grands défis, dans l’intelligence et la nuance !
Pourquoi avez-vous postulé au programme Young Leaders de la French-African Foundation et que signifie pour vous être un Young Leader ?
J'adhère tout à fait aux objectifs du programme qui consistent à créer une communauté de leaders unissant la France et le continent africain, sur le plan socioéconomique. En tant que jeune leader, j'entends nouer des relations interpersonnelles de confiance avec des personnalités prometteuses africaines et par-là même créer des ponts entre la France, l'Europe, l’Afrique et plus largement la francophonie. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces relations humaines pour se comprendre, agir ensemble et faciliter la coopération entre nos organisations et communautés humaines respectives.
Vous avez récemment rencontré le Ministre Délégué général à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes du Sénégal. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette rencontre ?
Effectivement, durant les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, j'ai eu le plaisir de m'entretenir avec le ministre sénégalais Papa Amadou Sarr. Notre conversation a porté sur le soutien à l’entrepreneuriat, sur la francophonie économique, la circulation des personnes, le rôle des diasporas et les échanges internationaux.
La structure qu'il dirige au Sénégal, la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes du Sénégal, est intéressante parce qu'elle accompagne les entrepreneurs pour l'accès au capital, afin de leur permettre de démarrer ou de se développer. En plus de l'accompagnement financier, elle fournit un accompagnement technique, à travers des séances de mentorat et de formation professionnelle.
D'un point de vue plus personnel, avez-vous un moment marquant / un déclic dans votre vie à partager avec nous ?
En juillet 2019, j'ai visité une coopérative de beurre de karité à Korhogo, au nord de la Côte d'Ivoire. Ces femmes si courageuses et entreprenantes, travaillant dans des conditions difficiles afin d'obtenir un revenu pour vivre et envoyer leurs enfants à l'école, m'ont donné une leçon de vie. La qualité des personnes ne réside pas dans leurs titres. Beaucoup d'anonymes sont remarquables. Le don et le dépassement de soi sont des actes plus forts que la reconnaissance que chacun est en mesure d'attendre pour son travail et ses œuvres.
Quel est votre rêve pour le continent africain ? Comment comptez-vous agir pour le réaliser ?
Mon rêve est d'accompagner les Africains à réaliser les leurs. N'étant pas Africain, il ne me revient pas de définir ce que doit être l'avenir idéal de ce continent qui, loin d'être uniforme, est au contraire une mosaïque de peuples, de cultures, de langues, de paysages - ce qui fait d'ailleurs sa richesse.
Et ce sont justement ces traditions, ces modes de vie, ces systèmes de croyance et de valeurs, sans parler de ces écosystèmes naturels et biologiques qu'il me semble absolument fondamental de préserver, tout en créant les conditions de la prospérité économique pour accompagner les jeunes vers l'emploi, assurer aux aînés une retraite digne, faire reculer la pauvreté et la malnutrition. Cela passe par l'agriculture durable, la formalisation de l'économie (car ce sont les impôts qui permettent de financer la protection sociale et bon nombre d'infrastructures), l'investissement des acteurs privés, l'éducation, la culture, l'action écologique...
En somme, mon rêve est que l'Afrique invente son propre modèle de développement, qui pourra devenir un exemple pour le monde. Au-delà du numérique qui révolutionne les usages et facilite les affaires, c'est le modèle coopératif que j'ai envie de mettre de l'avant car il assure un développement équitable à long terme pour les communautés qui le choisissent.
Si vous aviez des leçons à tirer de votre parcours, quelles seraient-elles ?
J'ai eu des moments de découragement, avec le sentiment que tout était bouché. Ma vie n'a pas été un chemin semé de roses. Il m'a fallu opérer des écarts avec ma trajectoire initiale, changer de sentier sans changer de direction. La mobilité internationale a été une chance, à un moment donné. J'ai aussi testé plusieurs milieux de travail, fais des stages... S'il faut parfois ménager sa monture et prendre le temps de réfléchir à ce que l'on veut vraiment et ce que l'on est capable d’accomplir, il ne faut pas oublier que beaucoup de personnes n'ont pas ce luxe. Portons une attention particulière à nos semblables qui sont au bord du chemin. Les sorties de route, les échecs peuvent toucher tout le monde. Je n'ai pas encore eu le temps de m'y investir pleinement, mais l'action sociale contre la pauvreté et la détresse est un domaine auquel je suis sensible.
Si vous aviez un mot à partager avec la génération de 20 ans actuelle, quel serait-il ?
La persévérance. Si votre objectif est juste, beau, vrai, alors vous pourrez l'atteindre à coup sûr. Persévérez. Remettez dix fois le cœur à
l'ouvrage. Vous y arriverez.