Une mesure déroutante. Le ministre de l’immigration canadien Marc Miller a annoncé lundi 22 janvier que le pays allait réduire de 35% les arrivées d’étudiants sur son sol par rapport à 2023. Le Canada prévoit de plafonner le nombre de permis d’études délivrés à 360 000 pendant deux ans.
En 2015, Alexandre, 30 ans, avait effectué un semestre à l’Université de Moncton, dans la commune de Shippagan, à l’est de Québec. « J’avais trouvé un logement assez facilement grâce à un annuaire de chambres chez le particulier », se souvient le parisien. Prix de la chambre étudiante : « 400 dollars canadien », précise-t-il à Pop.
Baptiste, 25 ans avait également fait une année à Montréal en 2019. Le francilien avait réussi à se loger « grâce au site Get Your Place », se remémore-t-il. Cette entreprise créée en 2012 par deux anciens étudiants de HEC Montréal vise à faciliter l’arrivée d’étudiants et jeunes professionnels à Montréal, en proposant des logements abordables. Baptiste avait alors pu obtenir rapidement une chambre. D’autres de ses camarades avaient eu beaucoup moins de chance.
« Le principe était simple : premier arrivé, premier servi », commente l’étudiant retourné vivre à Paris. « J’ai des amis qui n’ont pas eu la chance d’avoir une chambre via le site et qui ont dû chercher un logement de façon plus classique », constate-t-il « mais ils ont mis beaucoup plus de temps ». L’autre désavantage de la méthode classique, le coût. « Mes amis ont dû trouver des logements beaucoup moins avantageux financièrement », conclut Baptiste.
De son côté, l’Association France-Canada, qui cherche à promouvoir les projets et les relations entre les deux pays, déplore cette dégradation. « Je remarque qu’en dix ans, les loyers ont quasiment doublé, de même que le coût de la vie en général », affirme Benjamin Boutin, directeur de l’association. « Lorsque j’étais moi-même en mobilité à l’Assemblée nationale du Québec, en 2014, puis aux études à Montréal, les loyers étaient deux fois moins élevés qu’aujourd’hui », continue-t-il.
Cette hausse, Romain Crouton, étudiant en Sciences politiques l’a aussi ressentie. « Les prix des paniers d’épicerie n’ont cessé d’augmenter, le prix des transports en commun également» confie-t-il « les essentiels, en fait, sont devenus les seules dépenses que nous pouvons nous permettre lorsque nous ne pouvons travailler que 20 heures par semaine, en parallèle des cours.» , déplore le Français installé à Montréal.
La hausse exponentielle du nombre d’étudiants a engendré « une pression sur les logements, les soins de santé et d’autres services » dans certaines provinces, a expliqué le ministre de l’immigration. Cette mesure que Romain Crouton confie ne pas avoir « vu venir» vise également à « protéger un système qui a ouvert la voie à des abus » a justifié Marc Miller dans son allocution lundi. « Des établissements privés ont profité des étudiants étrangers en exploitant des campus dépourvus de ressources et en imposant des frais de scolarité élevés », dénonce-t-il.
L’augmentation du coût de la vie et la dégradation des conditions matérielles des échanges universitaires n’a pas empêché le Canada de rester en tête du podium de la destination préférée des mobilités étudiantes internationales. Selon les derniers chiffres publiés par Le Parisien Etudiant, le pays à la feuille d’érable restait l’adresse privilégiée des étudiants français, avec environ 18 200 entrées en 2020, devant les jeunes belges (18 000), et le duo Britanniques – Nord-irlandais (14 000).
Mais la récente décision inquiète l’association France-Canada. « Nous resterons vigilants à ce que cet abaissement ne menace pas les possibilités d’échanges franco-canadiens », commente Benjamin Boutin. « Il ne faudrait pas également que cet abaissement remette en cause les cibles d’immigration francophones au Canada », insiste-t-il.
Pour le moment, il est trop tôt pour se prononcer sur les conséquences de cet abaissement. A l’Institut Catholique de Paris, par exemple, « les mobilités sont peu affectées pour l’instant parce que le nombre d’échanges est trop peu important » et l’école ne se sent « pas encore concernée par ces questions », assure la chargée de communication. Mais l’abaissement du nombre de permis délivrés risque invariablement d’affecter les écoles françaises qui devront alors modifier voire durcir les conditions d’accès pour les futurs candidats à un échange France-Canada.
Emmanuelle Ndoudi