Les Rendez-vous francophones du Palais Bourbon furent lancés par de nombreuses contributions de qualité, sous l'impulsion de Laura-Françoise l'AFAL et du député Jacques Krabal, secrétaire général parlementaire de la Francophonie auquel il fut rendu hommage à l'occasion de la fin de son mandat.
A une table-ronde modérée par Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France, Benjamin Boutin prit la parole sur le défi de l'éducation en francophonie. D'autres intervenants abordèrent d'autres thématiques (éducation, jeunesse...), notamment Marie-Béatrice Levaux, vice-présidente de l'UCESIF, Stéphane Tiki, porte-parole du Conseil du Patronat francophone ou encore Alexandre Wolf, directeur de la langue française à l'OIF.
A l'occasion de la fin du mois de la Francophonie 2022, Benjamin Boutin s'est exprimé en qualité de président de Francophonie sans frontières à l'Assemblée nationale française lors d'un événement organisé par les parlementaires francophones. Retrouvez ici son discours sur la société civile, la jeunesse et l'engagement !
Le mouvement francophone est né grâce aux associations : les Alliances françaises, d’abord, puis les associations internationales d’écrivains, de journalistes… autour d’un élément fédérateur, la langue française. Ces associations ont précédé les institutions que l'on connait aujourd'hui sous les noms de Confemen, Confejes, OIF, tandis que certaines associations, celles des parlementaires et des universitaires, ont été institutionnalisées. Aujourd’hui, ma conviction est que nous devons tous regarder dans la même direction. La Francophonie doit être, avant tout, un grand mouvement populaire !
Francophonie civile et institutionnelle : main dans la main
Si les institutions demeurent nécessaires pour structurer, impulser, accompagner, elles ne peuvent plus agir seules ou en silo. Le peu de moyens dont elles disposent (ce n’est pas un tabou) devrait les inciter à constituer des alliances, ce que j’appelai en 2018 des coalitions sectorielles associant ONG, fondations, bailleurs de fonds, collectivités, etc., par exemple en matière d’éducation, qui est le défi prioritaire de la francophonie.
N’ayons pas peur d’encourager les initiatives privées et associatives et rassemblons nos forces pour que la Francophonie civile et institutionnelle agisse main dans la main. Ayons la lucidité de reconnaître que sans les associations, sans les citoyens, notre communauté internationale perdrait de sa vigueur, de son dynamisme mais aussi une partie de son essence et de sa raison d’être !
Recherchons les complémentarités, les synergies, entre les Alliances françaises, les fédérations de professeurs de français, les instituts et les lycées français, les représentations diplomatiques des pays francophones et les médias qui représentent autant de forces cruciales pour l’avenir de la langue française, son apprentissage et son attractivité !
Une grande famille, des enjeux communs
Nous formons tous une même famille, reliée par un réseau d’action, de partenariats, de solidarité. Nous devons faire bloc pour que la Francophonie soit audible dans le concert international, qu’elle continue de peser dans le nouveau paysage géo-linguistique mondial redessiné par les technologies, les évolutions sociologiques et la tectonique géopolitique.
La jeunesse a un rôle décisif à jouer, car c’est elle qui est démographiquement majoritaire dans l’espace francophone. La grande consultation jeunesse réalisée l’an dernier par l'OIF a mis en exergue ses trois grandes attentes, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest :
- Recevoir une éducation de qualité ;
- Accéder à l'emploi ;
- Évoluer dans un environnement sain.
J’ajouterai un quatrième enjeu : la mobilité, qui est un facteur de cohésion majeur dans la francophonie. C’est pourquoi, depuis 2017, nous plaidons avec Louise Beaudoin pour la création d’un Office francophone de la jeunesse (sur le modèle de l’Office franco-québécois pour la jeunesse). Nous espérons que la volonté politique sera un jour au rendez-vous ! Cet office pourrait impulser des programmes d’échanges et de mobilité autour de thématiques mobilisatrices, favorisant le partage de bonnes pratiques et l’autonomisation des jeunes. Cela permettrait de stimuler le sentiment d’appartenance à la francophonie !
Les Jeunes Ambassadeurs francophones (JAF) s’inscrivent dans cet esprit. Nos associations et institutions, réunies au sein du comité francophone au CESE présidé par Marie-Béatrice Levaux, ont concouru à la genèse de ce programme, dont il faudra préserver l’agilité ! C’est en effet l'agilité qui caractérise le monde associatif francophone et qui fait aussi sa valeur ajoutée. C'est l'une des forces de Francophonie sans frontières !
Francophonie sans frontières : une si belle aventure collective
Pour ma part, je peux témoigner du fait que dix ans d’engagement bénévole pour la Francophonie – engagement commencé très jeune - m’auront fait grandir et me sentir utile. La création de FSF, une organisation non-gouvernementale (ONG) interculturelle et intergénérationnelle née il y a cinq ans entre le Québec et la France, fut une démarche murement réfléchie, afin de contribuer à faire émerger, à souder et animer une grande société civile francophone !
Cette ONG rassemble à présent une centaine de volontaires dans 38 pays et une communauté de plus de 15 000 abonnés. Même si cela demande beaucoup d'implication et d’efforts de mobilisation, quelle satisfaction que de voir ses idées se concrétiser, ses projets prendre leur envol ! Grâce à une dynamique collective.
En cinq ans, FSF a pu réaliser beaucoup de magnifiques projets : colloque, école d’été, États généraux de la diplomatie culturelle, soirées littéraires, Matins
francophones, Coulisses de la francophonie, interventions dans les universités, cinquantaine d’émissions radio, conférences sur la francophonie sud-américaine, indo-pacifique, sur l’économie
sociale et le développement durable, sur le plurilinguisme et la traduction, sur la créativité, les sciences, le numérique, ici en France, mais aussi au Togo, au Canada, en Équateur, en
Australie, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en RDC…
Je veux rendre hommage aux volontaires qui ont permis ces réalisations, je dirai même cette prouesse ! A notre prochaine Assemblée générale prévue à Québec le 8 juillet prochain, j’aurai le sentiment du devoir accompli.
La francophonie est intergénérationnelle
Le 20 mars à Dubaï, Francophonie sans frontières a co-animé l’Agora francophone de l’Exposition universelle. Quatre jeunes ambassadeurs francophones étaient présents. Je veux citer leur exemple :
Rebecca, 24 ans, qui organise des ateliers de lecture dans des écoles camerounaises ;
Anastasia, 24 ans, qui sensibilise le réseau français des clubs Unesco à l’importance du français comme langue de travail ;
Yvan Brice, 23 ans, qui mène au Cameroun le projet « ma planète francophone » autour de solutions de recyclage ;
Marie, 26 ans, qui s’implique dans le mouvement olympique et qui sera attentive, comme nous, à la place du français aux JO de Paris 2024 !
Comme l’a bien exprimé Jean-Baptiste Lemoyne et Jacques Krabal ce matin, l’engagement francophone est une affaire intergénérationnelle. C’est aussi une affaire de cœur, comme le dit joliment Hélène Carrère d'Encausse. La francophonie est une matière vivante que nous avons tous le pouvoir de modeler, par nos actions.
En définitive, le message que je veux faire passer à cette relève que nous voyons émerger est le suivant : ne vous demandez pas ce que la francophonie peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour la francophonie ! De sa vivacité dépendra une part de notre avenir, de notre identité, de notre cohésion sociale et de notre épanouissement collectif.
Engagé depuis une dizaine d'année pour la francophonie, j'ai fondé avec Marie-Astrid Berry une grande organisation de la société civile, Francophonie sans frontières.
« Parce que la vitalité de la francophonie dépend non seulement des institutions qui la structurent mais aussi et surtout de l'impulsion d'un mouvement populaire. La francophonie est pour nous une communauté de langue, certes, mais si nous le voulons également une communauté de destin. Pour bâtir et faire éclore Francophonie sans frontières, il nous a fallu une vision, de l'imagination et de créativité. Nous avons mobilisé nos capacités d'organisation, d'administration, de communication, de gestion de projets et d'équipes internationales. »
Désireux de faire circuler les responsabilités et donner une nouvelle impulsion à l'organisation cinq ans après sa fondation, j'ai annoncé ma volonté de transmettre la Francophonie sans frontières le 19 avril 2023.
« Une famille, de l'Afrique à l'Amérique en passant par l'Europe et l'Asie, qui entreprend, qui crée, qui innove, qui invente. Sa force ? Le partage, le respect et la promotion du dialogue des cultures, des langues, dans un monde où la distance était autrefois une contrainte, aujourd'hui un atout dans la mondialité. Ainsi, assumer la présidence de FSF a été un honneur. Je souhaite que vous poursuiviez cette dynamique d'action que nous avons engagée, que vous fassiez vivre l'esprit de cette organisation, dans le respect de sa charte éthique et de ses valeurs. »
En marge des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2021, j'ai eu le plaisir de m'entretenir avec le ministre sénégalais Papa Amadou Sarr. Cet entretien autour du soutien à l’entrepreneuriat, de la francophonie économique, de la circulation des personnes et des échanges internationaux a été retranscrit.
Le 13 mai 2020, des jeunes de l’ensemble des territoires francophones ont pris la parole pour exprimer les ressorts de leur identité francophone ainsi que leurs préoccupations et besoins pour construire la Francophonie de l’avenir. J'ai fait partie du comité scientifique de cette grande consultation, au cours de laquelle plus de 10 000 jeunes issus de 83 des États et gouvernements membres de la Francophonie se sont exprimés, à travers plus de 74 000 contributions. Un rapport a consigné leurs réflexions, ainsi que leurs initiatives concrètes afin de construire ensemble la Francophonie de l'avenir.
L’initiative Horizon 2030 s’inscrit dans l’axe 5 des actions de Francophonie sans frontières (FSF). Elle est centrée sur la résolution des défis (éducation, accès à l’emploi, développement durable), la promotion des échanges et la coopération dans l’espace francophone. FSF espère ainsi créer une dynamique partenariale pour contribuer à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies d’ici 2030, particulièrement en Afrique francophone. Cette initiative permet le partage de connaissances, la mise en valeur d’initiatives sociales, coopératives, durables et inclusives dans une perspective de coopération francophone.
En juillet 2019, l'Université Peleforo Gon Coulibaly a accueilli la première édition du projet Horizon 2030 de Francophonie sans frontières qui vise à l'atteinte des objectifs du développement durable des Nations-Unies et plus particulièrement à stimuler l'entrepreneuriat collectif, durable et inclusif des jeunes.
Les 13 septembre 2018, une conférence sur le thème de la francophonie, un levier pour la jeunesse et l'entrepreneuriat, eut lieu à Sciences Po Aix-en-Provence à l'initiative de Benjamin Boutin et a réuni Vanessa Lamothe Matignon, Ambassadrice d’Haïti en France et présidente du Groupe des Ambassadeurs Francophones de France (GAFF) ; Bassirou Sene, Ambassadeur du Sénégal en France ; Ghazi Gherairi, Ambassadeur de Tunisie auprès de l'UNESCO ; Fabienne Reuter, Déléguée générale de la Fédération Wallonie-Bruxelles en France ; Line Beauchamp, Déléguée générale du Québec en France et à Monaco. Pour l'organisation, Benjamin Boutin, président de Francophonie sans frontières fut assisté par Mélanie Zittel.
Facilitateur de mobilité qui met en œuvre des programmes d'échanges pour les jeunes (18-35 ans), l'OFQJ, depuis sa création en 1968, a permis à plus de 170 000 participants de traverser l'Atlantique ! L’OFQJ se recentre sur le développement et le perfectionnement professionnels des jeunes. En effet, l'entrepreneuriat est souvent au cœur de ses missions de prospection, de réseautage et de partage de bonnes pratiques. Capable de soutenir des projets qui enrichissent la formation, l’expérience professionnelle ou la pratique citoyenne des participants, l'Office joue également un rôle de conseil, d’accompagnement et d’intermédiaire entre les collectivités territoriales ainsi qu’entre les acteurs de la société civile. Il entreprend des activités de coopération franco-québécoise avec des pays tiers ou des organisations internationales. Ainsi des missions franco-québécoises peuvent-elles s'effectuer en tandem dans des pays tiers, comme ce fut le cas au Costa Rica pour deux jeunes en insertion professionnelle, un Français et un Québécois, chargés d'effectuer un diagnostic touristique.
«
La mobilité est un sujet majeur pour la cohésion du monde francophone. Il existe parmi les Francophones une très forte aspiration à la mobilité, notamment chez les jeunes qui représentent 60% de la population des pays-membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). L'avenir de la langue française dépend non seulement de notre capacité à instruire en français, mais aussi à donner la possibilité à ces jeunes de se déplacer pour renforcer leur réseau, pour entreprendre et pour créer
La mobilité, fut-elle géographique ou professionnelle, démultiplie les opportunités économiques, de même que la langue française, parlée par 274 millions de locuteurs et apprise sur les cinq continents, constitue un facilitateur transactionnel puissant. Pourtant, les obstacles à la mobilité demeurent. Considérer que la Francophonie puisse devenir du jour au lendemain un espace de libre circulation est à l'évidence une vue de l'esprit. Les frontières sont des zones de porosité entre les cultures mais aussi des lignes de démarcation. Les crispations identitaires et les flux migratoires mal contrôlés, de même que les problèmes récurrents de visas sont autant de freins et d'entraves à la mobilité, notamment du Sud vers le Nord.
Or, si nous voulons avancer sur ce sujet de la mobilité dans la Francophonie, il nous faut travailler par catégorie de population comme les gens d'affaires, les chercheurs, les artistes, et en priorité les jeunes. C'est pourquoi nous avons cosigné une tribune dans Le Devoir pour appeler à la création d'un Office francophone de la jeunesse, sur le modèle de l'OFQJ. Il serait porteur, à l'occasion du cinquantenaire de l'OFQJ en 2018, de lancer un signal positif en partageant avec d'autres États et gouvernements membres de la Francophonie cette expertise franco-québécoise extraordinaire qui a permis à quelques 170 000 jeunes depuis sa création de traverser l'Atlantique. Nous appelons également de nos vœux la mise en œuvre d'un programme - que l'on pourrait appeler non pas Erasmus mais Senghor – de mobilité étudiante et doctorale.
Historiquement, la société civile francophone a un rôle majeur à jouer pour le développement de la francophonie. Jean-Marc Léger ne nous contredirait pas, qui a créé en 1961 l'association qui allait devenir l'Agence universitaire de la Francophonie. C'est dans cet esprit d'initiative qu'est née Francophonie sans frontières (FSF), association internationale, pôle de réflexion et d'action dans le domaine de la mobilité, des échanges et du codéveloppement dans la Francophonie.
Louise Beaudoin, ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec (1998-2003)
La jeunesse est le principal carburant de la francophonie, avec son potentiel d'énergie, d'impulsion et d'innovation en même temps que son caractère explosif, si ses aspirations ne sont pas satisfaites. Espace majoritairement jeune, la francophonie compte de nombreux pays où la part des moins de trente ans représente plus de la moitié de la population. Il faut donc considérer que l'épanouissement de la jeunesse, qui passe notamment par l'éducation et l'accès à l'emploi, est une priorité politique majeure.
« Alors que 60 % de la population des pays francophones a moins de 30 ans, nous appelons de nos vœux la création d’un Office francophone de la jeunesse, afin d’élargir les horizons d’une jeunesse francophone qui aspire à la mobilité et à la réalisation de son potentiel.
Depuis sa création il y a près de cinquante ans, l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) a permis à quelque 170 000 participants de traverser l’Atlantique. Capable de soutenir des projets qui enrichissent la formation, l’expérience et la pratique citoyenne des jeunes, l’OFQJ propose sur son site Internet une banque d’offres de stages, d’emplois, de projets et de missions à l’international.
L’Office a développé au fil du temps une expertise dans le domaine du soutien à la mobilité et au développement professionnel des jeunes Français et Québécois — expertise qu’il conviendrait de partager avec d’autres États et gouvernements membres de la Francophonie.
Pour envisager les modalités pratiques de la création d’un Office francophone de la jeunesse (OFJ), un groupe de travail devrait être mis en place, incluant l’OFQJ, les Offices jeunesse internationaux du Québec, de Wallonie-Bruxelles et du Nouveau-Brunswick, ainsi que les représentants des États et gouvernements francophones désireux de consacrer davantage de moyens à leur jeunesse.
L’OFJ, opérateur de la Francophonie
L’OFJ pourrait chapeauter les programmes existants de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), comme les Jeux de la Francophonie, mais également en lancer de nouveaux : volontariat en entreprise, emplois et stages dans la Francophonie ; simulations parlementaires et missions d’observation électorales ; envoi de délégations à des écoles d’été, à des ateliers thématiques ainsi qu’à des forums internationaux et soutien à des projets entrepreneuriaux, sociaux et citoyens.
Grâce au numérique, des mobilités immatérielles sont envisageables dans le domaine de la culture, de la connaissance, de l’information et de la collaboration. Une offre d’enseignement en renforcement des compétences professionnelles pourrait ainsi être proposée en ligne, en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie. La demande récurrente d’un Erasmus francophone pourrait également faire l’objet d’un projet-pilote de l’OFJ.
Faciliter la circulation des savoirs, l’innovation et la mobilité des jeunes étudiants, chercheurs, créateurs et entrepreneurs constitue déjà l’un des objectifs stratégiques de l’OIF. L’Office francophone de la jeunesse aurait vocation à devenir un opérateur spécialisé de celle-ci, au même titre que l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Association internationale des maires francophones, l’Université Senghor d’Alexandrie et TV5 Monde.
Car si l’OIF dispose d’une politique destinée à la jeunesse (portail Internet, volontariat, campagne de consultation préalable à la COP21, etc.), on regrettera le caractère restreint de cette politique — faute de moyens — et le suivi aléatoire d’initiatives porteuses, telles que celles qui ont émergé lors du Forum mondial de la langue française de Liège en 2015.
Une structure pérenne assumerait avec une meilleure efficacité cette politique amorcée il y a dix-huit ans au Sommet de la Francophonie à Moncton (Nouveau-Brunswick, Canada). Les chefs d’État et de gouvernement s’étaient alors engagés à répondre aux attentes de la jeunesse et à l’associer plus étroitement à son action. Cet engagement a été réitéré à Ouagadougou (Burkina Faso) en 2004 et à Dakar (Sénégal) en 2012, où une Stratégie jeunesse pour la Francophonie a été adoptée.
Une vision et des moyens
Pour le financement de ces nouveaux programmes, des fondations et des plateformes participatives (à l’image de Finance ensemble, créée par l’OIF et Ulule) pourraient être sollicitées. Mais soyons francs ! Les financements publics indispensables à la mise en place d’un Office francophone de la jeunesse ne sauraient être accessibles sans l’engagement clair des chefs d’État et de gouvernement, lors du prochain Sommet de la Francophonie. Ces derniers doivent prendre conscience que la Francophonie d’aujourd’hui est majoritairement jeune et qu’il convient par conséquent de réviser à la hausse les moyens consacrés à la jeunesse francophone.
Ces jeunes, issus d’horizons géographiques différents, sont plus que jamais désireux de s’ouvrir au monde, de le parcourir, de l’investir, de le changer. Dans un contexte de compétition linguistique mondiale, une langue n’a d’avenir que si elle est porteuse d’avantages personnels et collectifs. La langue française est un lien extraordinaire d’intercompréhension entre plus de 274 millions d’êtres humains sur la planète. Pour que cette voix, qui est celle de la diversité culturelle, continue à se faire entendre demain, écoutons dès à présent celle d’une jeunesse qui aspire à se réaliser.
Nous voulons offrir à dix jeunes francophones d’origines et de milieux variés la possibilité d’effectuer une semaine de stage de haut niveau au sein d’organisations internationales. Ces jeunes seront sélectionnés sur la base de leurs talents et acquerront une expérience sur-qualifiante, tout en incarnant la diversité linguistique et culturelle au sein de plusieurs organisations internationales partenaires. L'usage croissant d'une langue unique dans les enceintes de décision internationales nuit au dialogue entre les cultures et affecte la qualité des normes internationales qui encadrent nos modes de vie et d'échange. A travers cette initiative, nous voulons encourager une relève d'administrateurs internationaux francophones ayant à cœur de participer à l'élaboration de politiques internationales respectueuses des équilibres linguistiques et culturels.
Alors que la Francophonie représente aujourd'hui près de 40% des membres de l'ONU et que la France préside le Conseil de sécurité des Nations-Unies, il convient de donner un nouveau souffle à ce
moteur essentiel d'influence et de solidarité.
Au moment où les cinq continents célèbrent la journée internationale de la Francophonie le 20 mars, alors que la Francophonie représente aujourd'hui près de 40% des membres de l'ONU et que la France préside le Conseil de sécurité des Nations-Unies, il convient de donner un nouveau souffle à ce moteur essentiel d'influence et de solidarité.
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, la Francophonie est inscrite dans la Constitution française mais tous les effets de cette disposition n'ont pas encore été pris en compte. A ce jour, le Conseil constitutionnel n'a d'ailleurs pas encore été saisi sur la base de cet article et, a fortiori, n'a pas esquissé d'interprétation de cette disposition.
Et pourtant, en ce 45 ème anniversaire de création de la Francophonie institutionnelle, force est de constater que la France a baissé son soutien à l'élan francophone. En 2010, toutes actions confondues, c'est près d'un milliard d'euros qui était consacré par la France au développement de la langue française et de la francophonie dans le monde. Nous n'aurons pas la cruauté de signifier le chiffre de 2015. Or la demande de français dans le monde n'a jamais été aussi importante et l'offre ne suit pas. 900 000 enseignants de français et 819 Alliances françaises sur les 5 continents ne peuvent répondre à la demande. Car n'en déplaise à certains snobs germanopratins archaïques, la langue française est aujourd'hui la 2ème langue apprise dans le monde après l'anglais, la langue française est à la mode, la langue française est populaire.
La réalité est la suivante : 135 millions de francophones en 1990, 274 millions en 2014... qui pourraient atteindre 767 millions en 2060. Pour cela, il faut avoir le courage de dire les choses et d'agir. Il n'y a pas de fatalité. Les langues comme les Hommes sont mortelles. Le monde fut latin, il fut français, il est anglo-américain, il pourrait être demain mandarin. Il nous appartient collectivement de le rendre riche de sa pluralité, c'est le combat de la diversité culturelle et linguistique que porte la Francophonie et son Organisation internationale.
Le 1er défi est celui de l'instruction publique, à commencer par l'instruction de la langue française dans les écoles de la République . Comment prétendre à l'universalité de notre langue si les enfants de France abandonnent la langue française ? Avec la circulation inégalée de l'information, tout se sait et chaque continent connait l'actualité des autres à la vitesse de l'éclair. C'est la raison pour laquelle la loi dite Fioraso sur l'enseignement en France de matières fondamentales en langue anglaise lançait un mauvais signal au monde. Pourquoi apprendre le Français sur les cinq continents si même la France portant le flambeau des valeurs universelles, abdiquait ! Au lieu de cela, la France s'honorerait en proposant des signaux forts et clairs à l'instar de politiques linguistiques offensives mises en œuvre notamment par nos frères québécois. Ce nouveau souffle pourrait notamment prendre la forme avec nos partenaires d'un programme Molière-Senghor, sorte d'Erasmus francophone.
Le 2ème défi est celui de la francophonie populaire. Les Français sont convaincus de l'importance de la langue française et de la francophonie. Rares sont les sujets qui aujourd'hui rassemblent autant de nos compatriotes !
Sur le territoire métropolitain, afin d'informer et de mobiliser nos compatriotes sur la francophonie, on a vu émerger ces dernières années des maisons locales de la Francophonie avec succès à Lyon, à Marseille, à Auxerre et bientôt à Bordeaux.
Marine Le Pen ne s'y est pas trompé. Après avoir tenté de s'approprier la laïcité puis la Marianne de la République, la laissera-t-on faire de même avec la francophonie ? Notre réponse est claire : Non.
A titre symbolique, la France s'honorerait d'inscrire dans la crypte du Panthéon, le nom de Léopold Sedar Senghor, fondateur institutionnel de la Francophonie. Une mesure qui aurait du sens pour commémorer le 15ème anniversaire du décès de Senghor en décembre 2016. Et puis il est nécessaire d'aller plus loin en mobilisant nos décideurs métropolitains et ultramarins sur l'importance de la langue française comme vecteur d'influence de la France dans le monde et source d'emplois pour nos compatriotes.
Sur le modèle des Grenelles, il serait opportun d'organiser les 1ères assises de la Francophonie en France, une occasion unique d'aborder tous les sujets avec les acteurs français : élus, enseignants, dirigeants d'entreprises, salariés, syndicats, associations,... Et pour donner corps à cette appartenance francophone commune, on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion opérative sur une facilitation francophone de circulation pour les artistes, les entrepreneurs et les chercheurs issus de la francophonie du sud.
Le 3ème défi est celui de la francophonie économique. C'est le mandat confié par les chefs d'Etats et de gouvernements à la nouvelle Secrétaire générale, Michaëlle Jean, au dernier Sommet de la Francophonie. Nous l'encourageons dans cette voie que nous avions tracée il y a déjà deux ans .
Aujourd'hui, la langue française est la 3ème langue des affaires après l'anglais et le chinois. Elle représente 16% du PIB mondial même si dans le secteur du numérique, le retard est plus important. Si la jeunesse mondiale ne voit pas l'intérêt économique de la langue française, elle s'en détournera.
Nos grandes entreprises françaises devraient être exemplaires en l'espèce. La réalité est différente. Prenons deux exemples de deux fleurons parmi d'autres : Michelin met en œuvre une politique intelligente de développement de la langue française dans ses filiales du monde entier, mais Air France choisit de développer sa communication sur "Air France is in the air"...
20 ans après l'adoption de la loi dite Toubon, il est probablement nécessaire de la renforcer en s'appuyant notamment sur la proposition de loi adoptée à l'unanimité du Sénat mais jamais inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.
Saluons à cet égard l' heureuse action du CSA cette semaine avec la diffusion de messages "dites-le en français" dans les médias audiovisuels, comme la lettre d'humour et de conviction d'Annick Girardin publiée ce mercredi au monde du travail , mais pourquoi appeler "Good France" l'invitation au voyage culinaire initiée par Laurent Fabius et portée par 1300 chefs sur les 5 continents ?
Cet enjeu économique est aussi celui de l'environnement mondial. La Francophonie sera bien présente à la conférence mondiale - COP21- qui se tiendra à Paris du 11 novembre au 4 décembre 2015.
Un nouvel élan de solidarité est ainsi nécessaire pour faire face à l'urgence écologique. Le dérèglement de notre planète nous oblige à agir. Ne pas réussir ce rendez-vous serait manquer à notre devoir de laisser aux générations futures, une planète vivable, humainement autant qu'économiquement.
Bref, demain, 350 millions de jeunes africains devraient parler français. L'Afrique sera essentielle à l'économie mondiale avec de forts taux de croissance. Le cœur de la Francophonie sera en Afrique.
Le 4ème défi est celui de la d'une francophonie puissance. Une triste réalité perdure au sein de la communauté francophone : celle de nombreuses régions, notamment d'Afrique francophone, qui demeurent le théâtre de conflictualités récurrentes ou nouvelles. Parmi ces nouvelles formes d'insécurités partagées, celle de la menace terroriste constitue, sans conteste, la plus inquiétante.
Cette menace est aujourd'hui une réalité globale à laquelle il faut opposer une réponse globale, solidaire et mutuelle. La mise en place d'instruments permanents régionaux de sécurité, de défense et de régulation des conflits ayant capacité à collecter les informations, d'élaborer des plans communs pour une défense commune et de canaliser les initiatives internationales doit, aussi, devenir un sujet de discussion et de mobilisation parmi les 80 États et gouvernements de la Francophonie.
S'il revient à chaque État de garantir la sécurité à ses propres populations, les insécurités actuelles étant devenues transnationales et volatiles, aucun pays n'est en mesure d'assurer désormais seule sa sécurité. La question sécuritaire doit donc être abordée à la fois aussi bien au niveau local que régional. De nombreuses initiatives menées récemment pour promouvoir l'engagement de fonctionnaires, militaires et d'experts francophones au sein de diverses missions internationales vient confirmer à quel point le partage et la compréhension de la langue des populations concernées permet d'instaurer un climat de confiance propice à la réalisation des objectifs que s'est donné la communauté internationale, notamment dans le cadre de la sécurisation et la stabilisation, de zones en conflits.
La Francophonie n'a certes ni les moyens ni la vocation d'intervenir "Urbi et Orbi". Néanmoins, son approche globale devrait se fonder sur la complémentarité avec d'autres partenaires idoines, issus de la communauté internationale, en misant sur la nécessaire subsidiarité avec les autorités nationales, régionales et locales.
Dans ce monde en constante mutation, la Francophonie devrait être, plus que jamais, une absolue nécessité, non seulement urgente mais désormais devenue vitale.
Elle nait d'une triple exigence : celle d'affirmer davantage la diversité culturelle; celle de garantir un monde plus solidaire; celle visant à assurer la nécessité de combattre des menaces globales, devenues de plus en plus volatiles.
La France ne peut rater aucun de ces défis. Il en va des emplois des français comme du rayonnement de la langue française en France et dans le monde. Plus que jamais, la Francophonie est une chance pour la France et le monde. Comme le rappelle le Secrétaire Général de l'ONU Ban Ki-Moon, "le multilinguisme constitue le corollaire du multilatéralisme".
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Signataires :
Philippe Pejo, Président du Club Udi Francophonie
Benjamin Boutin, Xavier Quérat-Herment, Julien Valette, membres du Club Udi Francophonie
Rama Yade, ancienne ministre, Première vice-présidente des Bâtisseurs
Hervé Morin, ancien ministre, député de l'Eure, Président du Nouveau centre et des Bâtisseurs
Thierry Cornillet, ancien député européen, ancien président du Parti Radical
Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)