Le concept de « francophonie économique » désigne à la fois la capacité à développer des affaires en français mais aussi à promouvoir une économie plus équitable, durable et inclusive afin de servir les populations et de contribuer au mieux-être commun. Ce concept fait couler beaucoup d’encre depuis la parution du rapport Attali sur La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable en 2014 et l’adoption, la même année à Dakar, d’une Stratégie économique pour la Francophonie à la XVe Conférence des chefs d’État et de gouvernement ayant le français en partage.
Usité sur les cinq continents et les îles, des Amériques à l'Europe, de l'Afrique à l'Asie jusqu'à l’Océanie et l’outre-mer, le français est la cinquième langue mondiale. Environ 315 millions de Terriens sont aptes à travailler, négocier, entreprendre, commercer et innover en français. La francophonie économique est donc une réalité de facto, stimulée par l’élan démographique africain.
Pour aller plus loin, un ensemble linguistique (non homogène) tel que la Francophonie peut se concevoir comme une « économie-monde » en devenir, c’est-à-dire comme un « fragment de l'univers […] auquel ses liaisons et ses échanges intérieurs confèrent une certaine unité organique », d’après Fernand Braudel (1979). Cela implique deux éléments essentiels : une impulsion publique (avec l’essentielle coopération des organisations internationales) et une implication ordonnée des acteurs privés.
Nous évoquions, dès 2013, la mise en place d’une Organisation de coopération économique francophone (OCEF) ou à tout le moins d’un opérateur économique de la Francophonie, aux côtés des opérateurs historiques que sont l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Université Senghor, l’Association internationale des maires francophones et TV5MONDE. Il convient également de s’appuyer sur le dynamisme des groupes de pays francophones au sein des organisations internationales telles que l’OCDE.
Du côté des acteurs privés, de nombreuses entreprises s’engagent déjà dans cette voie francophone des affaires, à l’instar de Montreux Comedy qui rayonne de la Suisse romande à la Côte d’Ivoire autour du bien commun qu’est l’humour. Pour des entreprises comme la maison de champagne Lanson, le géant des cosmétiques L’Oréal, le groupe familial Duval et les transnationales financières Ecobank et Meridiam, le « marché francophone » est à la fois bien identifié et générateur de belles opportunités.
À court et moyen terme, l’urgence de la Francophonie économique doit être de répondre à trois défis majeurs : la formation professionnelle, l’emploi des jeunes et le développement durable. Ces trois urgences doivent être appréhendées dans une approche globale.
La Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, en a conscience. Elle a reconnu lors des 21e Rencontres économiques d’Aix-en-Provence que les organisations internationales devaient être plus agiles pour répondre aux besoins des populations. Elle a impulsé le programme « Les Pionnières de l’entrepreneuriat francophone », qui accompagnera 32 jeunes entreprises et PME dans leur phase de croissance.
En cinquante ans, les acteurs de la Charte de la Francophonie – Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en tête - ont été à l’initiative de nombreuses actions : soutien aux industries culturelles des pays dits « du Sud », accompagnement des États, des parlements et des universités dans la mise en place de réformes éducatives et linguistiques, dans le renforcement de leurs capacités, la prévention des conflits, le partage d’expertise sur la transition écologique et numérique, la consolidation des processus électoraux, etc. Mentionnons d’ailleurs que l’OCDE travaille aussi sur certains de ces sujets et que des coopérations renforcées avec elle seraient tout à fait bénéfiques.
Il ne faut pas oublier que cet accompagnement multidimensionnel, interculturel et international fondé sur le partage d’une langue commune et de bonnes pratiques a contribué - contribue toujours - à l’établissement d’un meilleur climat des affaires dans l’espace francophone, ainsi qu’à l’atteinte des Objectifs de développement durable des Nations Unies.
Depuis quelques années, les initiatives directes visant à donner chair à cette « francophonie économique » dont les contours étaient de prime abord assez flous, se multiplient : création de forums économiques, de chambres consulaires, d’incubateurs, de clubs d’affaires, de fonds d’investissement, de réseaux, de communautés d’entraide, etc.
Un Forum économique se tiendra en marge du prochain Sommet de la Francophonie prévu en novembre prochain à Djerba (Tunisie) et des missions économiques et commerciales de la Francophonie seront lancées en octobre au Vietnam et au Cambodge, dans le but de développer les relations d’affaire dans une perspective intercontinentale, durable et inclusive.
L’approche de la Francophonie économique consiste ainsi en un aller-retour permanent entre les acteurs de terrain et les instances locales, nationales et internationales. À cet égard, pour une meilleure coordination des politiques, il serait judicieux de relancer la Conférence des Ministres de l’Économie et des Finances de la Francophonie, qui s’est réunie pour la première fois à Monaco en avril 1999 et de nouer davantage de partenariats avec le secteur privé, pour co-construire et partager une vision commune.
La principale organisation patronale française, le Mouvement des entreprises de France, ainsi qu’une vingtaine d’organisations patronales francophones organisent cette semaine à Paris une Rencontre des entrepreneurs francophones. Décideurs politiques et économiques, entrepreneurs, investisseurs et banquiers francophones échangeront pour densifier les échanges économiques et commerciaux entre pays francophones, avec un volet climat et un volet numérique. Une occasion idéale de construire une Francophonie économique ambitieuse, durable, collégiale et partenariale.
Employons-nous-y tous ensemble !